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jour, ce sera sans doute mon devoir, mais pas encore. Laissez-moi, du moins, auprès de vous, raffermir mon esprit et m’instruire de la vie, laissez-moi jouir de la liberté, laissez-moi à loisir remercier Dieu. Et puis sais-je seulement si je serai jamais heureuse comme je le suis en ce moment ?


La pleine lune s’élevait d’un massif d’arbres. Entouré de l’ombre dense de ses verdures, plus vaste, plus imposant dans la nuit s’élevait le château, flanqué de ses deux tours pointues.

Marie s’arrêta un instant devant l’architecture massive, découpée sur la clarté lunaire ; devant les fossés comblés, d’où s’élevait, dominant les autres végétations, le vieil aulne qui lui rappelait tant de souvenirs au pied duquel se cachait la pierre, chaque jour encore ornée de son bouquet matinal ; devant l’horizon familier des collines, maintenant imprécises et devinées à peine.

Et elle aima délicieusement ce manoir où avaient vécu tous ceux de sa race, et où il lui sembla que les pierres et les arbres, et les personnes, et les collines, et les bêtes, et le sol même, que tout l’aimait.