Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
PHYLLIS

Hastings et les Leslie qui acceptèrent avec enthousiasme et il commanda un déjeuner pour dix-neuf personnes « Aux Armes de la Reine Marie ».

À une heure de l’après-midi exactement, nous nous mettions à table dans une belle salle grande et claire d’où l’on pouvait apercevoir la jolie fontaine entourée de sapins, lieu de pèlerinage connu dans la contrée.

— Quel souhait, me demanda sir Francis, qui, je ne sais comment, trouve toujours le moyen d’être mon voisin de table, quel souhait allez-vous former tantôt à la fontaine ? Vous savez que si on le fait de bon cœur et en y concentrant sa pensée, il est exaucé dans l’année.

— Mais, en vérité, répondis-je en riant, je me demande ce que je pourrais bien souhaiter ? À peine ai-je formulé un désir devant Mark qu’il est déjà comblé… Mon Dieu, il me semble qu’il s’est écoulé des années depuis le printemps dernier.

« Quels changements pour moi ! Et il y a à peine quelques mois !

— D’heureux changements ?

— Oh ! sans doute ! Quand vous avez fait ma connaissance autrefois…

— Le jour de la promenade à âne ?

— Oui, il y a des siècles de cela… Phyllis Vernon était une petite fille pas trop heureuse, très insignifiante, la Cendrillon de la maison, et maintenant…

Sir Francis sourit :

— Jamais, dit-il, jusqu’à ce jour, je n’avais entendu personne se féliciter ainsi de son sort. Je ne vois guère de quel usage sera pour vous la Fontaine des souhaits.

— Peut-être, dis-je en y réfléchissant, y aurait-il certaines choses que je ne serais pas fâchée d’écarter de ma route.

— Des choses seulement ?

Ensemble nos regards se portèrent sur lady Blanche et il sourit.

— Pour moi, continua-t-il, ce sont des gens que je voudrais supprimer. À votre place, chère petite madame, je tremblerais, m’attendant à chaque instant à voir s’écrouler ce bonheur merveilleux.

Je répliquai d’un ton léger :

— N’anticipons pas sur les malheurs à venir ! Et vous, sir Francis, qu’allez-vous souhaiter ?

— Oh ! moi… — il baissa la tête et regarda tristement dans le fond de son assiette, — cela ne me servirait à rien, je suis certain de ne pas avoir ce que je désire.

— Ah ! fis-je, plaisantant, je comprends ce que