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PHYLLIS

Quoique je fusse à ma place habituelle devant la table et qu’elle le sût fort bien, elle ne fit aucune attention à moi et ne prit même pas la peine de me dire bonjour.

Elle regardait Mark et attendait sa réponse comme s’il fût le seul digne d’être consulté. Dans son opinion, la maîtresse de maison n’a aucune importance… c’est une nullité !

Mark lui répondit poliment :

— Nous avons décidé de faire un pique-nique aujourd’hui.

— Un pique-nique en hiver ?

— Avec déjeuner dans une auberge quelconque.

— Ah ! bravo ! Excellente idée, repartit Sa Seigneurie avec enthousiasme, continuant toujours à m’ignorer bien que je fisse de mon mieux pour me faire remarquer en faisant grand bruit avec les tasses et soucoupes placées à ma portée.

« Eh bien ! où irons-nous ? demanda-t-elle.

— Nous irons où il vous plaira ! Ordonnez, belle cousine, nous obéirons.

— Réellement ? Alors, ce qui me ferait le plus de plaisir ce serait d’aller à la fontaine de Saint-Seabird. Voici des années que je n’ai fait ce pèlerinage.

Elle soupira d’un air mélancolique comme si un tendre souvenir était attaché à cette évocation du passé.

— À la fontaine des Souhaits ? reprit Mark. La course est longue. Mais en auto, c’est l’affaire d’une heure et demie. Qu’en pensez-vous, Phyllis ?

— Vous avez demandé l’avis de lady Blanche et vous savez que nous lui « obéirons », fis-je d’un ton quelque peu acerbe. Pour moi, je n’y vois aucun obstacle.

— Alors, chère cousine, dit Blanche d’un air léger, si cela vous convient aussi, ainsi qu’à ces dames, c’est entendu.

À ce moment, je relevai la tête et tournai lentement les yeux de son côté.

— Bonjour, ma cousine, dis-je doucement d’un ton extrêmement poli… et je me pinçai la bouche pour ne pas rire, car je venais d’apercevoir du coin de l’œil cette folle de Lilian qui était prête à éclater.

Une seconde Sa Seigneurie parut déconcertée.

— Ah ! bonjour, dit-elle, j’étais persuadée, chère petite, que je vous avais déjà vue ce matin.

— Vraiment ? Vous prenez du café, sir George ? Dora, veux-tu verser du café à ton voisin ?

Le pique-nique étant décidé, la partie fut rapidement organisée.

En trois coups de téléphone mon mari prévint les