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PHYLLIS

XI


Plusieurs jours ont passé. Mes forces reviennent lentement. Je continue à me lever tard, mais je puis aller et venir dans la maison et le jardin.

Là est ma limite. Pour rien au monde je ne franchirais la petite porte qui donne accès au bois, de peur de fâcheuses rencontres.

Mère et moi avons interdit notre porte formellement.

La vie suit son cours, paisible en apparence.

Vers le soir, quand ma peine a été trop lourde à porter, je passe un vêtement et mets mon chapeau :

— Mère, ne vous inquiétez pas, je vais à l’église.

— Ne te fatigue pas, va doucement. Ne reste pas trop tard.

— Non, mère chérie.

Je l’embrasse, lui souris et m’en vais.

Ces moments à l’église sont les meilleurs.

À certains jours j’entre au lieu saint avec un cœur douloureux plein de révolte. Je souffre trop pour pleurer, et c’est en vain que j’essaie de prier. Les prières apprises dans mon enfance viennent bien à mes lèvres, mais je les prononce sans conviction, insensible et glacée. Peu à peu, la divine influence du lieu saint opère sur mon cœur meurtri, les paroles prennent un sens plus profond, les larmes me montent aux yeux et je me sens délivrée en partie du fardeau qui m’oppresse.

Plusieurs fois, sortant presque à la nuit, je rencontrai notre vieux curé.

Avec beaucoup de tact et de finesse, l’excellent homme me fit un petit sermon sur la résignation qui nous fait soumettre nos volontés à celle de la divine Providence, puis, aux voies infinies de Dieu qui se sert des épreuves pour purifier nos âmes et les ramener ensuite au bonheur — même au bonheur terrestre — par le chemin de la foi et de l’espérance.

— Il y a des souffrances trop fortes pour lesquelles il n’est pas d’espérance, monsieur le curé, répondis-je.

— La résignation amène le pardon, ma fille, et du pardon à l’espérance…

— Non, non, dis-je en secouant la tête, certaines offenses ne se peuvent pardonner, sans vous faire manquer à la dignité.

— Les apparences sont parfois trompeuses, dit le bon prêtre hésitant à parler, il faudrait pouvoir expliquer…