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PHYLLIS

qu’il portera longtemps au-dessous de l’œil gauche le lui rappellera.

« Si la canne que vous avez brisée et lui avez jetée ensuite à la figure avait frappé un demi-centimètre plus haut…

« — J’ai eu de la chance, me dit Brewster en riant, comme il lavait à l’eau fraîche sa petite blessure enflammée ; ce sera un souvenir de votre charmante femme. Aussi, ajouta-t-il, ne comptez pas trop sur moi, comme témoin à votre mariage. Je ne sais si cette fois j’en rapporterais ma tête. »

Puis, il dit encore, riant toujours : « Bah ! c’est m’a faute ! Qu’allais-je faire en cette galère ? »

« Vous présenterez mes hommages à Miss Dilkes avec tous mes compliments sur son adresse.

« La commission est faite, chère amie, mais je crois que je vais être obligé de me chercher un autre témoin. Brewster prend je bateau dans trois jours.

« M. J. C. »

Cette lettre était la dernière du paquet.

Sans doute, M. Carrington se demanda-t-il, lui aussi, « ce qu’il était allé faire dans cette galère ». Et, désespéré de jamais arriver à convertir miss Fanny à de meilleurs sentiments, se laissa-t-il persuader par son ami, qui l’enleva par le premier bateau…

Ainsi l’histoire était finie… Il le croyait, du moins, miss Dilkes s’est chargée de nous rappeler son existence.

De la lecture de ces lettres je ne retiens que les phrases enflammées par lesquelles mon mari exprimait sa folle passion.

Combien cela fait contraste avec nos paisibles fiançailles où j’allais à ses rendez-vous avec Billy pour habituel compagnon !

Qu’a-t-il donc pu trouver en moi à aimer ?

Car il m’aimait. Il m’aimait alors, j’en suis certaine.

Et j’ai été assez enfant, assez stupide, pour n’avoir pas su garder son cœur…

Je pleurai une grande partie de la nuit. Le lendemain matin, je brûlai ces papiers dont la vue seule me donnait des crispations de nerfs.

Quant à la dernière lettre de M. Carrington, celle qui était venue à mon adresse, elle était toujours sur ma table, attendant son tour.

Mais, après ce que je venais de lire, je n’eus aucune envie de savoir ce qu’elle contenait. Il ne m’aimait plus, il était retourné à son premier amour, aucune explication ne pourrait changer ces faits.

D’un geste las et indifférent, je pris la lettre et la jetai au fond d’un tiroir où elle se trouve encore.