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PHYLLIS

votre naturel. Je ne vous retrouvais plus ! J’avais devant moi une personne inconnue, je voulus parler et ce fut en vain. Du reste, cela valait mieux ainsi, j’en aurais dit trop ou pas assez… J’eus peur de vous. Cependant, il faut que vous sachiez ceci : je veux être certain de pouvoir faire votre bonheur comme j’espère que vous ferez le mien. Et pour cela vous conviendrez que, dans la vie commune, il faut au moins quelques similitudes de goûts. Si vos plans d’avenir sont tels que vous me les avez décrits… Mais non ! Je ne le crois pas ! Hier, vous n’étiez plus vous-même !… Ou bien, par ma sottise, c’est moi qui vous ai exaspérée au delà du possible. Pardonnez-moi, Fanny mon aimée, la part que j’ai pu avoir dans cette affreuse scène. Ecrivez, répondez-moi que vous m’aimez toujours et ne doutez jamais de l’amour de votre

« M. J. C. »

Je réfléchis longtemps sur cette longue missive. Certes, je ne croyais pas M. Carrington si éloquent ! Il ne m’en avait jamais envoyé, à moi, de semblables. Si je n’avais pas lu sur l’adresse le nom de Miss Dilkes, rien que le récit de la scène que mon mari avait essuyée — je m’en réjouis quand même au fond — aurait suffi à m’y faire penser.

Avec son vase brisé, son rire insolent, sa figure convulsée, l’Américaine avait signé la scène de son nom.

Et la pensée s’insinua en moi que cette violence sans frein, chez une femme qui avait dû être gâtée à outrance, avait causé chez Mark, que je connaissais doux et pondéré, les premiers sentiments de répulsion qui l’avaient éloigné d’elle.

Hélas ! Pour un temps seulement… car maintenant, il est bien repris !

Suivait un court billet qui montre jusqu’où allait l’exaltation de sa passion.

«12 avril.

« Dois-je croire que le billet que je reçois à l’instant est un congé définitif ? Fanny, je vous en supplie, ne reprenez pas votre parole ! Un mois à peine avant notre mariage, non, ce n’est pas possible ! Le désespoir s’empare de moi en y pensant. Recevez-moi seulement une fois, que je vous voie, que je puisse vous convaincre que je suis et serai toujours votre esclave soumis et tendre… Fanny, vous tenez ma vie entre vos mains !… Ce soir, je sonnerai à votre porte, dites-moi que vous l’acceptez et jamais, je vous le jure, un reproche ne sortira de mes lèvres.