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PHYLLIS

transition, je vous vis soudain changer de visage.

« La tête rejetée en arrière, vos narines frémissantes, vos lèvres serrées, ne laissant échapper que des paroles coupantes, vous vous êtes retournée vers moi avec une telle violence que j’en demeurai confondu.

« — Ainsi vous formez le projet de m’enfermer dans un trou ou de me garder prisonnière dans votre château ? N’y comptez pas, mon cher !

« J’essayai vaguement de protester.

« Mais vous continuiez, pâle de colère et les yeux enflammés :

« — Si c’est la jolie vie que vous me préparez, vous auriez mieux fait de me le dire plus tôt ! Je vous avertis que j’ai l’intention de m’amuser à outrance, de mener la vie qu’il me plaira et, si vous êtes vieux ou cacochyme avant l’âge, pour pourrez rester dans votre château pour y tenir compagnie aux hiboux !

« — Fanny ! m’écriai-je vous ne pensez pas ce que vous dites.

« — Et vous ne savez pas ce que vous faites en me contrariant, — dites-vous avec un accent de rage concentrée. Non, jamais je n’aurais cru que la colère pût déformer à ce point des traits admirables !

— Si vous essayez de me plier à vos volontés c’est moi qui vous briserai comme je fais de ceci. Et, saisissant une coupe placée sous votre main, vous l’envoyâtes rouler au bout de l’appartement.

« Là-dessus je pris mon chapeau et je partis, l’esprit trop bouleversé pour pouvoir dire un mot, tandis que vous grinciez des dents et frappiez les meubles.

« À peine étais-je dans l’antichambre que j’entendis un long éclat de rire : votre rire si doux, si musical, et je vous vis paraître à une portière, la tête coquettement penchée pour me dire :

« — À demain, Mark, n’oubliez pas que nous allons au bal de Mrs. Sharp…

« Je saluai en silence et sortis.

« Si je relate ici cette scène pénible — pour moi du moins — c’est dans l’unique intention, chère Fanny, de vous permettre, en la retrouvant pour ainsi dire vivante sous vos yeux, de réfléchir à vos paroles inconsidérées, si dures et si cruelles.

« Oh ! comprenez-moi bien, chère amie, je n’ai point la sottise de vouloir me poser en moraliste. Mais ce que je veux espérer, et de tout cœur, c’est que vous rétracterez ces mots abominables et que vous allez bien vite me rassurer en m’expliquant quel incident — que j’ignore — vous avait fait hier sortir de