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PHYLLIS

« Mme Campbell s’est cassé un bras en descendant son escalier et la soirée de demain est décommandée…

« Vous voulez bien me la consacrer. Vous m’accordez cette insigne faveur, je me demande comment les heures passeront d’ici demain ! L’impatience me donne la fièvre. Mais je dois vous voir cet après-midi au thé de Mrs. Fawn et, ce soir, chez vous avec vos vingt personnes à dîner. C’est égal ! Je tâcherai de découvrir un moment favorable pour vous dire ma reconnaissance passionnée.

« P.-S. — Je tâcherai de passer vers deux heures chez Mrs. Campbell pour demander des nouvelles de son bras. Cette amie à vous que je ne connais pas m’est devenue extrêmement sympathique, et j’éprouve pour son regrettable, accident la plus vive compassion. »

« 10 avril, 10 heures du soir.
« Chère Fanny,

« Pour la première fois, je vous manquerai de parole et vous ne me trouverez pas au bal de Mrs. Sharp où nous devions nous rencontrer, car j’ai à vous parler sérieusement. J’espère que le porteur du billet que je vous ai envoyé pour m’excuser vous aura trouvée afin que vous ayez été prévenue à temps. Je n’ai pu prendre sur moi de vous suivre dans le monde, comme chaque soir, pour aller contempler vos succès. En restant dans ma chambre solitaire installé devant cette feuille qui vous est destinée, je serai plus près de vous, plus près de votre cœur et de votre esprit, si vous consentez à me lire jusqu’au bout, que je ne l’ai jamais été.

« Je m’étais fait une telle joie de notre soirée d’hier !

« Ah ! Fanny, comment aurais-je pu supposer qu’elle s’achèverait de si lamentable façon !

« Après la première heure, si douce, de notre entrevue, quand votre mère nous quitta pour aller au concert, et que, bien seuls tous deux, vous me servîtes une tasse de thé, de vos mains, avec votre grâce adorable, et ce sourire qui me ravit, n’était-il pas naturel de vous parler de nos projets d’avenir, puisqu’ils sont maintenant indissolublement liés ?

« Très doucement, je commençai à développer devant vous les plans de notre vie future que j’imaginais tranquille et agréable, non solitaire, certes, animée parfois de la visite des bons amis, mais sans abus, sans que notre intimité, qui allait me devenir un bien si précieux, en fût troublée. Vous m’écoutiez en silence, le front baissé, pensive. Sans