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PHYLLIS

pas trop, ma belle fiancée, je vous sais trop intelligente pour ne pas saisir le sens profond de mes paroles ; je vous aime ! je vous aime ! Ô bien-aimée, quand serez-vous à moi ? Quand pourrai-je vous emporter dans ma campagne anglaise, loin de tous ? Il me semblera, m’y trouvant seul auprès de vous, avoir trouvé le Paradis terrestre. Mais je m’éloigne du sujet précis de cette lettre qui est de vous supplier de m’accorder une soirée de tête-à-tête. Répondez-moi ce soir, voulez-vous ?

« Mille baisers sur vos blanches mains,

« Votre sincère M. J. C. ».
« 8 avril.

« L’autre soir, au dîner, vous n’avez pas voulu me donner de réponse directe, vous m’avez même raillé de mon insistance si gracieusement, avec votre charmante franchise, mais vous m’avez laissé dans un état de tristesse découragée.

« Cependant, en y réfléchissant, je comprends vos raisons : vous n’avez plus que peu de temps à donner à vos amis, puisque notre mariage aura lieu dans six semaines — le temps nécessaire pour faire venir mes papiers et préparer le plus magnifique mariage de la season — vous ne pouvez refuser certaines invitations, car accepter chez les uns serait blesser les autres. Mais je vous assure, mon amour, qu’il me faut faire appel à toute ma fermeté d’homme pour accepter tranquillement la situation. Moi, votre fiancé, je me fais parfois l’effet d’un simple accessoire dans votre vie mondaine. Vous deviez vous marier, c’était dans le programme, vous avez daigné distinguer un homme entre cent, et vous lui avez donné le bonheur indicible de se croire aimé… Puis, tout à coup, la vie sentimentale est interrompue entre nous et la vie mondaine reprend ses droits, furieusement… Fanny, je vous le dis avec tristesse, quand m’aimerez-vous comme je vous aime ?

« Votre dévoué corps et âme.

« M. J. C. »


« P.-S. — C’est sur ma prière que Brewster vous avait aussi parlé sur ce sujet, et vous lui avez répondu « vertement », c’est son expression, en le priant de s’occuper de ses propres affaires. Il le fera désormais, n’en doutez pas, ma douce aimée, il vous envoie ses excuses par mon entremise et je les dépose à vos pieds. Mille baisers. »

« 9 avril.

« J’étais désespéré et, ce matin, votre petit mot me rend fou de bonheur. Hurrah ! trois fois hurrah !