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PHYLLIS

années notre unique garde-robes à Dora comme à moi. Fiévreusement, je plongeai mes mains dans nos anciennes défroques.

Enfin, parmi la laine ou la mousseline, je sentis un bruissement de soie.

J’attirai une jupe à moi… C’était la robe de taffetas !

Je cherchai la poche, elle était gonflée et j’y plongeai la main, le cœur tout palpitant.

Tout y était tel que je l’y avais enfoui. J’emportai mon butin sur mon lit où je repris ma place. La maison était tranquille ; en bas mes parents causaient ou lisaient au salon.

Bien que j’eusse horreur de ce que j’allais faire, car, si ces lettres m’avaient été données par celle à qui elles appartenaient, elles ne m’étaient pas destinées — je me hâtai, poussée par une irrésistible impulsion, de lire la première qui me tomba sous la main.

Cela eût été trop fatigant et trop long — trop triste aussi — de transcrire sur mon album toutes les lettres d’amour de M. Carrington. Je n’en copie que les passages qui m’ont le plus frappée, afin de ne pas les oublier, si jamais quelque jour l’envie me prend de revenir sur cette phase désolée de ma vie. Voici ces passages, suivant l’ordre des dates :

« New-York, 2 avril 19…


« Je ne puis, chère Fanny, au lendemain de nos fiançailles, attendre à ce soir pour vous dire tout l’excès de mon bonheur. Vous m’avez défendu votre porte aujourd’hui et je respecte votre volonté puisque le repos complet vous est nécessaire pour réparer vos forces après une soirée vraiment fatigante.

« Quelle cohue ! Que de monde et d’importuns, autour de nous. Vous m’avez dit d’un air heureux avant mon départ : « La belle réception, n’est-ce pas ? Toute la société de New-York était ici ce soir » et je n’ai point osé vous dire toute ma pensée. Ce que j’aurais préféré, ma bien-aimée, ç’eût été des fiançailles paisibles où vos parents les plus proches auraient seuls assisté. J’eusse voulu trouver seulement un instant pour vous dire quelle ardente passion vous avez allumée dans mon cœur et cela depuis le premier moment où je vous vis entrer à la soirée de l’ambassade d’Angleterre. Tous les regards se sont tournés vers vous, mais parmi ceux-ci aucun n’était plus sincèrement admiratif que le mien. De cette minute je vous appartenais et, quand M. Harris me présenta à vous et que vous m’adressâtes votre