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PHYLLIS

C’était elle qui venait de dire le nom de M. Carrington,

M. Carrington, pensai-je, est encore mon mari, j’ai le droit d’écouter ce qu’on dit de lui.

Bien des mots se perdaient à cause de l’éloignement, cependant j’entendis la grosse voix du docteur qui répondit :

— C’est une déplorable affaire, mistress Vernon… déplorable, surtout pour cette pauvre enfant ! Ne lui parlez de rien, tâchez de la distraire pour qu’elle oublie un peu, qu’elle se calme. Le calme lui est absolument nécessaire, sans cela, nous ne parviendrions pas à la guérir.

— Docteur, vous me désespérez ! dit la voix de maman que je sentis prête à fondre en larmes ! Eh ! comment voulez-vous qu’elle reste calme quand elle entend venir chaque jour ce Monsieur qui s’arrête à la porte, et à qui nous sommes fatigués de refuser l’entrée de la maison. Il est bien temps d’avoir des remords quand on est cause de tout le mal !

— Ma chère mistress Vernon, je pense qu’il vaudrait mieux que M. Carrington cessât ses visites, puisque son approche seule cause à notre malade un réel malaise.

— Docteur, vous le connaissez. Vous m’obligeriez tant si vous aviez la bonté de lui dire, comme médecin, que vous défendez toute visite à votre malade.

— Mais… mais, chère dame, vous n’oubliez qu’une chose : c’est que ce visiteur est en même temps le mari de ma malade, c’est la seule personne à qui je n’ai pas le droit de défendre l’entrée de sa chambre.

— Alors, il faudra que ma pauvre Phyllis meure, fit maman d’une voix chevrotante, parce qu’elle a épousé un homme indigne d’elle, qui l’a odieusement trompée !

J’entendis quelques sanglots étouffés, puis le bruit de la tabatière du docteur qu’il devait manier d’un air perplexe.

Il dit enfin, après un silence :

— Ceci n’est pas prouvé, mistress Vernon. Depuis la fuite de votre fille, M. Carrington n’a pas remis les pieds à Carston.

— Soyez sûr qu’il lui donne des rendez-vous ailleurs, dit maman, poussée par une animosité de belle-mère qui n’était guère dans son caractère. Vous verrez que cette abominable créature ne débarrassera pas le pays !

— Le fait est, reprit le docteur, que sa présence seule et ses fréquentes entrevues avec M. Carrington, homme sérieux et marié, constituent un