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PHYLLIS

Un jour, je m’éveillai dans mon lit, j’ouvris les yeux languissamment. Quelqu’un se penchait sur moi.

Je découvris que c’était mère.

— Est-ce vous, maman ? demandai-je.

— Oui, ma chérie.

— Je ne savais pas que vous deviez venir aujourd’hui à Strangemore.

Il me sembla qu’une hésitation passait sur le visage de mère, puis elle me reborda doucement, en disant :

— Je suis près de toi, ma petite fille, cela suffit.

— J’ai donc été malade ?

— Oui. Et tu l’es encore, tu as pris froid… l’autre jour. C’est une congestion aux poumons. Il te faut de la chaleur. Reste tranquille. Ce soir je te mettrai d’autres ventouses.

Je ne demandai pas autre chose, c’était trop fatigant.

Toute la journée, je prêtai l’oreille aux bruits de la maison, ainsi qu’aux chuchotements des bonnes quand elles paraissaient un instant sur la porte.

Une fois, ce fut la voix de Ketty qui me croyait endormie.

— Madame, il est là. Il insiste pour monter.

— Répondez, que madame est un peu mieux… et que je ne le recevrai pas, dit mère d’un ton très bas, mais ferme.

Qui donc était là ? Je ne cherchai pas longtemps, tout était confusion dans ma pauvre tête.

Vers le soir, une cloche sonna dans le lointain. Je me soulevai sur un coude, regardai autour de la chambre et dis tranquillement :

— C’est l’église de Carston qui sonne, on ne peut pas l’entendre de chez moi. Je suis à Summerleas, dans ma vieille chambre. N’est-ce pas, mère ?

— Oui, ma chérie, fit mère en me regardant d’un air inquiet.

— Pourquoi suis-je à Summerleas ? demandai-je une minute après.

— Parce que… c’était plus facile de te soigner ici.

— Ah !…

Une somnolence s’empara de moi pendant que j’essayais de me rappeler les circonstances de mon transport, sans pouvoir y parvenir, et je cessai mes questions.

Le lendemain matin, je n’avais plus de fièvre et me tenais sagement dans mon lit les yeux grands ouverts.

Mère écrivait près de la fenêtre.

Quelqu’un frappa doucement. Aussitôt Ketty passa sa tête, je la reconnus dans la glace qui la réfléchissait en face de moi. Son air mystérieux me frappa.