Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
PHYLLIS

Quand je me crus perdue dans l’obscurité croissante, quittant la route de Carston, j’obliquai brusquement à gauche et pénétrai sous le couvert des bois.

J’étais déjà trempée par la pluie lente et lourde qui se mettait à tomber.

Les gouttes coulant une à une sur les feuilles me faisaient reflet de larmes pleurant sur mon malheur.

Insensible au froid qui me gagnait, à l’humidité qui collait mes cheveux à mes tempes et mes légers souliers à la terre gluante, j’allais, j’allais, sans autre souci que celui d’arriver.

De temps à autre je me répétais pour me donner du courage :

— Maman ! Je vais voir maman.

C’était cela mon but.

Aller me jeter dans les bras maternels. Là, j’étais sûre de trouver la consolation et les caresses et les douces paroles dont j’avais tant besoin !

L’interminable et dur chemin !

Jusqu’à la fin de mes tristes jours, je ne pourrai y penser sans une sensation d’angoisse.

Je me souviens que, dans ma course éperdue, à un tournant de chemins, un buisson de ronces accrocha les plis flottants de ma tunique de mousseline, je crus qu’une main me tirait fortement en arrière et je poussai un cri strident, puis me mis à courir, laissant des lambeaux d’étoffe semés sur mon chemin.

Un peu plus loin, m’arrêtant haletante pour respirer et calmer ma frayeur, je regardai autour de moi, cherchant à m’orienter… Alors une angoisse encore plus terrible me serra le cœur.

Où étais-je ?

Je ne me reconnaissais plus… Faisant quelques pas au hasard, je cherchai ma route… sans succès !

Hélas ! devrais-je passer toute la nuit à grelotter dans ces bois ?

Je croyais si bien les connaître ! Mais dans l’obscurité épaisse, tous les arbres étaient pareils, en courant je m’étais enfoncée au plus épais du taillis et je ne retrouvais plus trace de sentier…

La pluie qui trempait lentement mes habits me glaçait jusqu’aux os. Comme une enfant perdue, je me mis à pleurer tout haut en gémissant :

— Maman !… Maman !…

Découragée, abattue, je me traînais d’arbre en arbre, arrachant à chaque pas mes pauvres souliers, détrempés par la boue.

Jamais plus misérable créature, ni plus désespérée, n’erra dans la nuit, loin de tout secours humain !