Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
PHYLLIS

« Vous a-t-il dit aussi que, depuis quinze jours, il était venu me voir tous les jours ?

Je fis un brusque mouvement en avant et je m’écriai, sentant la colère me monter à la tête :

— Ce n’est pas vrai, vous mentez ! Mon mari ne vous connaît pas. Et j’ignore quel est votre mobile en voulant me faire croire…

— Il ne me connaît pas ! vraiment ! interrompit-elle avec cet air de persiflage qui me mettait hors de moi.

« Quand on a donné une bague de fiançailles à une femme, on ne la connaît pas ? Quand, pendant trois mois, on lui a juré chaque jour qu’on l’adore, on ne la connaît pas ! Quand on a tout mis à ses pieds : fortune, nom, honneurs, on ne la connaît pas ?

— Ce que vous dites est impossible, murmurai-je, il m’en aurait parlé. Il doit y avoir là une erreur de personne…

— N’êtes-vous pas Mrs Carrington, de Strangemore ? La petite villageoise de Carston, la poupée anglaise que Mark Carrington, esquire, a épousée au mépris de toutes ses promesses…

— Mais c’est impossible, impossible, répétai-je en cachant mon visage dans mes deux mains, tremblante de la tête aux pieds.

— Ce qui me semble impossible, à moi, fit-elle d’une voix changée, âpre et violente, ce qui me paraît un acte insensé de la part d’un homme tel que lui, c’est qu’il ait encombré sa vie d’une petite fille comme vous, incapable de le comprendre, à peine bonne à montrer, sans beauté, sans argent — j’ai pris mes renseignements — et que, dans un coup de folie que je ne m’explique pas encore, il ait abandonné celle qu’il aimait…

— Non, criai-je en relevant la tête pour la regarder en face, c’est moi qu’il aime, moi sa femme…

— Sa femme… Ah ! oui, pauvre poupée, vous ne le serez plus longtemps…

Elle fit trois pas vers moi, saisit mes poignets, les serrant à me faire mal, me regarda dans des yeux avec ses yeux immenses d’une expression terrifiante et me siffla à la figure :

— Non, vous ne l’aurez plus longtemps, parce que je suis venue vous le reprendre. Vous l’avez épousé par intérêt parce qu’il était riche et que vous n’aviez pas le sou. Vous n’êtes qu’une misérable enfant, pour qui il a eu un caprice passager. Il est fatigué de vous, fatigué à en mourir, vous m’entendez ?… Et vous me le rendrez ! Le divorce est fait pour les cas comme le nôtre.