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PHYLLIS

aussi il faudra se contenter de la première chanson qui me viendra à l’esprit.

Puis elle commença à chanter de sa voix vibrante aux accents doux et profonds une romance française dont le refrain revenait comme un cri de douleur :

« Chers souvenirs de mes beaux jours perdus
Je l’aimais tant ! Me sera-t-il rendu ?… »

Comme résonnaient les dernières notes, une tristesse navrante rendit sa voix pathétique à nous serrer le cœur.

Que cette musique était déchirante et remplie d’accents passionnés !

Chandos, fasciné, s’était lentement rapproché du piano.

Quand ce fut fini, nous restâmes tous silencieux.

— Pourquoi chantez-vous des choses si tristes ? fit Mark avec un peu d’impatience.

— Parce que, répondit Lili, légèrement, je suis sans doute une nature mélancolique.

Elle se mit à rire, puis, traversant le salon, elle vint à moi.

La lune s’était dégagée des nuages. De splendides rayons, glissant par les vitres, éclipsaient presque l’éclat des lumières.

Un nouveau silence. Tout bas, chacun répétait en soi-même le refrain de la chanson.

Je sentis deux larmes tomber sur ma main que pressait mon amie.

Ouvrant tout à coup la porte de la serre contre laquelle il s’appuyait, Chandos dit d’une voix émue, mais décidée :

— Voulez-vous faire un tour de serre au clair de lune ?

Il ne s’adressait à personne en particulier, mais son regard restait fixé sur Lilian. J’écoutai sans oser respirer la réponse qu’elle allait lui donner, car je me doutais bien que c’était là le troisième et dernier appel de son amoureux.

Si elle le rejetait ce soir, elle aurait perdu à jamais ce cœur qui lui a été si fidèle !

Je retrouvai des forces pour lui souffler tout bas :

— Allez, Lili ! Allez !

Alors, elle retira lentement ses doigts de ma main et se leva.

— Oui, dit-elle avec une étrange douceur. Je viens.

Elle le rejoignit. Ensemble, ils descendirent les trois marches et disparurent.