Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
PHYLLIS

aimer pour la première fois, parce qu’on imagine que l’amour d’avant n’était pas aussi fort que celui que l’on ressent. Ce que j’aimerais savoir, c’est combien de propositions de mariages vous avez faites dans votre vie ?

J’avais dit ceci en plaisantant, sans penser à rien.

Immédiatement je vis le visage de Mark changer d’expression et de couleur. Il me laissa et se mit à marcher dans la pièce avec un air affaissé, chagrin, qui me toucha au cœur.

— Nous avons convenu, dit-il, que nous ne reparlerions plus jamais du passé…

Puis, très vite, revenant à moi avec son sourire et sa voix ordinaire, affectueuse et enjouée :

— J’imagine la tête de Francis Garlyle en se trouvant à Carston sans véhicule, obligé de rentrer à pied. C’est le meilleur tour que je lui aie jamais joué.

Je ris avec lui et nous nous quittâmes les meilleurs amis du monde… cependant, je sens qu’une mince couche de glace s’est glissée entre nous et qu’il suffirait… de rien, pour la briser !

Tous nos invités parlent de nous quitter, l’un après l’autre. Mon beau-frère et ma belle-sœur partent dans deux jours, ils sont heureux des bons rapports qu’ils voient rétablis entre Mark et moi ; bien qu’ils ne m’en aient rien dit, je le vois à leur sourire quand ils nous regardent.

Sir Francis Garlyle est déjà rayé de notre vie ; il a envoyé un mot pour s’excuser, a fait prendre sa valise et est allé chasser chez les Leslie où il était invité.

Trois jours plus tard, c’est le tour de cette chère Blanche. La vue de notre bonne entente lui est sans doute fort pénible à contempler.

Je poussai un soupir de soulagement en entendant claquer la portière de son auto et une pensée se fit jour dans mon esprit : c’est que jamais, sous aucun prétexte, cette femme ne remettrait le pied sous mon toit.

Le soir qui précéda le départ d’Harriett et de sir James, une étrange aventure arriva à Lilian.

Il était neuf heures du soir. Le dîner venait de finir et ces messieurs, fatigués de parler politique, nous avaient déjà rejointes au salon. Nous causions tous tranquillement lorsque, soudain, la porte-fenêtre du jardin fut vivement poussée et Lili, qui était sortie depuis quelques minutes, rentra en courant avec une telle brusquerie que nous cessâmes de parler pour la regarder avec stupéfaction.

— Oh ! Mark, s’écria-t-elle en saisissant le bras de mon mari, j’ai vu un revenant !