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PHYLLIS

En effet, il les avait sur son bras comme un valet de pied, lui qui ne voulait même pas porter son pardessus dans les rues, en été !

Avant d’avoir pu dire un seul mot, j’étais enfouie sous la capote d’une auto — elle attendait à la porte de skating — et lui, sautant sur le siège du chauffeur, prenait le volant et démarrait à toute vitesse.

— Et sir Garlyle, et tous les autres ? m’écriai-je.

— Les autres sont déjà partis ! fit-il brièvement, Garlyle reviendra comme il pourra.

Malgré la rapidité avec laquelle nous traversions Carston et filions ensuite sur la route au-dessous d’un dôme chargé de scintillantes étoiles, jamais de ma vie, course ne me parut plus longue.

Quand j’osai diriger mes yeux vers Mark à un moment où la lune émergeant des nuages éclairait la route sombre, je vis une nuque immobile qui, pas une fois pendant le trajet, ne daigna se tourner vers moi.

C’est ainsi que, dans un silence de mort, nous atteignîmes l’avenue du château.

Il se fit un silence quand on nous vit paraître ; lui, très maître de soi, se força à sourire puis, s’adressant à tous :

— Pourquoi n’êtes-vous pas entrés au salon, dit-il, entrez, je vous en prie, Harriett, et vous, Blanche, Dora, Lilian, prenez des sièges. On va vous apporter quelque chose de chaud. William, vous porterez du punch et des grogs dans le petit salon.

Pendant qu’on passait au salon, j’étais restée en arrière dans le hall, trop effarée encore des façons de mon mari pour m’en remettre tout de suite.

Harriett me saisit les mains.

— Ne prenez pas cet air épouvanté, mon enfant, me dit-elle tendrement.

— Quel affreux crime ai-je donc commis ? dis-je avec un effort pour reprendre mes idées, je n’ai fait que retourner au skating avec mon patineur. Je voulais me distraire, m’amuser un peu pendant que nous y étions et maintenant. Mark est si fâché qu’il ne veut même plus me regarder. Oh ! si vous saviez sur quel ton il m’a parlé là-bas et comment il m’a enlevée pour partir !

« C’est sir Francis qui a dû trouver la plaisanterie mauvaise !

À la pensée de la figure qu’il avait dû faire après notre départ, je laissai échapper un petit rire auquel se joignit Harriett.

Mais elle reprit bientôt sérieusement :

— Allons, calmez-vous, fillette, et venez boire un peu de punch, car vraiment vous êtes gelée.