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PHYLLIS

Sir Francis m’aida à passer mon manteau de fourrure, nous sortîmes et nous nous mêlâmes à la foule qui se rendait au rink éclatant de lumière.

Pour la première fois, me trouvant ainsi dans la nuit, seule avec mon compagnon, je commençai à comprendre la signification du mot « crainte ».

Quelle folle équipée allais-je donc faire là ?

Mon obstination et la honte de me laisser voir si impressionnable m’empêchèrent seules de retourner en arrière.

Ce fut avec une vive palpitation de cœur que je pénétrai dans le skating.

Sir Francis, peut-être inquiet des suites de notre escapade, ne faisait pas de grands frais de conversation.

Mais, aussitôt entrée, ce ring si gai et remuant, la musique qui s’évertuait de son mieux à produire un effet entraînant, les cordons d’électricité disposés en guirlandes qui répandaient une vive clarté, tout cet ensemble attrayant m’enleva mes sombres appréhensions.

Mon compagnon s’empressa d’aller me chercher des patins, il me tendit la main, et je m’élançai. Un simple tour sur la piste m’apprit que l’Américaine n’y était pas.

Mais il n’était encore que neuf heures et demie, elle pouvait venir plus tard.

Entraînée par sir Francis qui stimulait mon ardeur, je fis en un quart d’heure de réels progrès. Gagnée par l’entrain, la gaieté ambiante, j’oubliai mes soucis et me mis à rire joyeusement aux plaisanteries de mon compagnon.

Tout en lui répondant avec animation, je ne cessais de surveiller l’entrée ou de scruter du regard, au passage, les groupes qui nous croisaient.

— Qui cherchez-vous donc ainsi ? me demanda sir Francis.

— Je cherche une robe de velours noir bordée d’astrakan gris. Je cherche une toque d’astrakan garnie d’un extravagant oiseau de paradis.

— Goût bien américain, sourit sir Francis.

— Et je cherche enfin une belle femme brune, grande, mince, qui m’a fait un affront aujourd’hui.

— J’espère, mistress Carrington, fit-il, très inquiet soudain, que vous n’avez pas l’intention de lui adresser la parole !

— J’en ai au contraire la ferme intention, cher monsieur, et je serai très aimable avec elle. Mais je veux simplement savoir pourquoi elle m’a tant regardée, comment elle a appris mon nom et l’en-