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PHYLLIS

Nous étions presque au bout de l’avenue quand je le vis seulement qui franchissait le seuil de la maison. Malgré mes grands airs d’indépendance et ma volonté de me venger de mon mari, la pensée de Mark me poursuivit tout le long du chemin. Aussi, je répondis à peine, du bout des lèvres, aux remarques de mon compagnon de voyage.

L’arrivée de trois automobiles chargées de monde élégant fit sensation dans la grand’rue de Carston.

Bientôt, nous entrions au skating après avoir pris nos tickets à l’entrée. Dès ce moment je ne m’appartins plus d’étonnement et d’admiration.

Je n’avais jamais rien vu de si gai ni de si joliment arrangé que ce skating rustique. Le patron de la Branche de gui s’était surpassé et, certes, s’il avait une affluence de clients, il le méritait bien !

De place en place, aux abords de la piste, de grands braseros rutilants répandaient leur chaleur, des chaises disposées autour attendaient le bon plaisir des patineurs.

Il y avait déjà beaucoup de monde lorsque nous fîmes notre entrée sensationnelle.

— Oh ! sir Francis, m’écriai-je, haletante d’émotion et de joie, vite, vite, allez me chercher des patins !

— Oui, dit-il, si je puis en trouver dans leur collection d’assez petits pour vous.

Je riais et frappais du pied, toute au plaisir présent, impatiente de m’élancer sur la piste brillante, ayant déjà oublié mes colères, mes rancunes et la lettre de l’Américaine et l’Américaine elle-même.

Du reste, quelle apparence que l’étrangère dont sir Francis m’avait parlé à Strangemore eût le moindre rapport avec la lettre de Mark ?

Lilian, qui avait apporté ses patins, courait déjà sur la glace, en compagnie de l’heureux Chip.

— Phyllis, Phyllis, me cria-t-elle, dépêchez-vous !

Là-bas, au bout de la piste, une longue table décorée de verdures soutenait l’orchestre des trois musiciens, un terrible violon, un effrayant trombone et une glapissante clarinette (je reconnus le petit commis à cheveux roux de l’épicier Barker).

Qu’importe ! À mes oreilles charmées c’était la musique la plus enivrante. Oh ! si Billy était là comme autrefois !

Mais sir Francis était un plus sûr appui, il avait raison de craindre que j’eusse oublié. À peine debout sur les minces lames d’acier vacillantes, je poussai de légers cris et m’accrochai aux revers de l’habit de mon cavalier.

Comme nous partions cahin-caha, ma belle-sœur qui se chauffait auprès d’un brasero me cria :