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PHYLLIS

La femme de chambre parut.

— Anna, lui dis-je, vous m’apporterez ici mon grand manteau de loutre et ma toque pareille… des gants, une voilette.

Nos invités étaient remontés dans leurs chambres, afin de s’apprêter pour le départ.

J’entendis le roulement des autos qui s’avançaient devant le perron.

Appuyée à la cheminée, je regardais vaguement le feu de bois pétillant et je me demandais ce que pouvait bien penser mon mari adossé au marbre, tout près de moi, sombre et silencieux.

Levant les yeux sur lui, je fus frappée de l’altération de ses traits ; la fameuse barre sillonnait son front, son teint plombé disait les nuits sans sommeil.

Sentant mon regard fixé sur lui, il tourna le sien vers moi. Et il me demanda très doucement :

— Encore une fois, Phyllis, je vous prie de renoncer à cet amusement parce que je le crois dangereux pour vous.

— Ah ! encore une autre raison ! fis-je d’un ton impétueux.

Tout à l’heure, son expression chagrine m’avait remuée et j’allais être sur le point de céder, mais la pensée me traversa l’esprit que, s’il était ainsi transformé, la cause en était cette femme étrangère puisque cela datait de la réception de sa lettre.

— N’essayez pas de me faire changer d’avis, moi non plus, j’irai ! et je ne vois pas en quoi cela pourrait vous gêner !

Il resta silencieux une minute, puis reprit en baissant la tête, comme se parlant à lui-même :

— Puisqu’il m’a plu d’épouser une enfant, et une enfant qui n’a pas une parcelle d’affection pour moi, il faut que j’apprenne à en subir les conséquences…

Anna apportant mes vêtements fit cesser toute conversation entre nous. Je m’habillai avec une recherche de coquetterie qui ne m’était pas habituelle. Nos invités rentraient tout emmitouflés de fourrures et j’affectai une grande gaîté jusqu’au moment du départ.

Le dernier regard que je portai à la dérobée sur mon mari, après avoir grimpé sur le siège de devant, à côté de sir Francis, me le montra debout sur le perron, froid, impassible et sombre.

— Mark, lui cria sa sœur de la seconde auto, rentrez donc, vous restez dans le courant d’air…

J’entendis qu’il disait à mi-voix à lady Harriett :

« Je vous la confie, » comme notre voiture se mettait en marche.