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PHYLLIS

— Voyons, dis-je enfin, en posant le bout de mes doigts sur sa manche, trêve de plaisanteries ! Parlons de choses sérieuses. Que ferons-nous aujourd’hui ?

— Une idée m’était venue que je vais vous soumettre, si toutefois votre mari consent à…

— Laissez mon mari tranquille. Qu’il consente ou non, cela n’a aucune importance, puisque dans les deux cas je ferai ce qu’il me plaira.

— Oh ! oh ! c’est de la révolte, fit sir Francis en riant.

— Appelez cela comme vous voudrez, et dites-moi votre idée.

— Voici : l’autre jour, en revenant de chasser chez les Leslie, je m’arrêtai à l’hôtel de la « Branche de gui ».

— À Carston, au bout de la grand’rue.

— Oui. Non loin de l’endroit fatal où vous faillîtes un jour…

— À cheval sur un âne ? Je sais. Ne réveillez pas cet affreux souvenir. Et d’abord, pourquoi vous arrêtiez-vous à l’hôtel au lieu de rentrer tranquillement ici ? Je parie que vous aviez rendez-vous avec quelque belle.

Il baissa la voix et dît rapidement :

— Non, puisque la dame de mes pensées était ici.

Je partis d’un éclat de rire.

— Ah ! j’y suis, dis-je.

Et je lançai un regard malicieux du côté de lady Blanche, occupée au même moment à parler à mon mari en nous regardant.

— Comme vous pouvez vous tromper ! reprit-il. Si vous vouliez comprendre que la vraie cause de mes tourments…

— Celle qui fait blanchir vos cheveux, ajoutai-je en désignant les fils d’argent qui se dissimulent de leur mieux dans sa chevelure brune et fournie. Je vais vous dire son nom : la seule, la vraie, l’irrésistible, c’est la dame de pique !

J’éclatai encore de rire, très amusée de la grimace qu’il fit en constatant ma perspicacité.

— Eh bien ! reprit-il, prenant le parti d’avouer. Chip et moi, fatigués d’avoir erré tout le jour sans faire grand mal au gibier, étions entrés dans la salle réservée et nous étions fait apporter un paquet de cartes, tandis que le palefrenier sellait nos chevaux. J’eus l’idée de demander au garçon qui nous servait quelle fantaisie burlesque avait eue le patron de l’hôtel en faisant répandre de l’eau sur la grande prairie qui avoisine l’établissement. Les villageois du pays ne parlaient que de cela. Avec le gel, la prairie est devenue unie comme un miroir. Devinez ce qu’il me répondit ?