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PHYLLIS

sans que j’osasse faire un mouvement. Mon cœur battait la charge dans ma poitrine…

Je me décidai tout à coup.

Ouvrant très doucement, je soulevai la portière et pénétrai dans la chambre.

Une brève exclamation, et mon mari se leva de devant la table-bureau placée devant l’une des fenêtres.

Un buvard était sous sa main… dessus, une lettre commencée sans doute depuis longtemps : plusieurs feuillets étaient noirs d’écriture.

Il écrivait rapidement. Au léger bruit que je fis en entrant il saisit n’importe quelle feuille à sa portée et la jeta sur sa lettre, puis vint à ma rencontre d’un air surpris et inquiet.

— Phyllis, êtes-vous malade ?

— Non, c’est vous… je vous ai entendu remuer… Je craignais…

— J’avais un peu d’insomnie, dit-il en détournant ses yeux du regard suppliant que je levais sur lui. J’en profite, comme vous voyez, pour mettre mon courrier à jour… On a toujours des lettres en retard et quand la maison est remplie d’invités, je ne trouve pas un moment, surtout avec nos parties de chasse qui absorbent tout le temps, pour répondre aux choses les plus pressantes.

Il débita cette longue tirade comme pour se donner du courage et reprendre pied après la surprise que je venais de lui causer.

À la fin, ramenant ses yeux sur moi, il suivit la direction de mon regard invinciblement attiré vers la table à écrire. Je me sentis pâlir davantage, mes doigts se crispèrent dans la soie du kimono ; je venais d’apercevoir la large enveloppe carrée au timbre américain, l’écriture haute, fine et élégante dont le souvenir me hantait.

C’était à elle qu’il répondait dans le silence de la nuit, c’était cela ses affaires pressantes !

Je n’avais qu’à faire trois pas pour poser ma main dessus et lui demander, comme j’en avais le droit, à quelle femme il écrivait…

Je le regardai, prête à agir.

Lut-il sur mon visage la question que j’allais lui poser.

Il me prévint et, s’approchant vivement de moi, il me dit d’une voix basse et tendre dans laquelle je discernai cependant une inquiétude voilée :

— Petite femme chérie — il me serra dans ses bras malgré ma faible résistance — vous avez froid, vous êtes glacée et c’est à cause de moi, de moi qui ne mérite pas que vous preniez tant de souci. Allez