Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
PHYLLIS

— Et maintenant, Dora, dis-je tout à coup en posant ma main sur la sienne, me pardonnes-tu ?

— Te pardonner ? Quoi donc ?

— Eh bien ! chérie, d’avoir épousé Mark. Je croyais que tu en étais restée un peu fachée, et souvent j’ai pensé que tu m’avais donné tort.

— Ma pauvre Phyllis ! Que lu as des idées extraordinaires ! Te pardonner ? Comme si ce n’était pas fait depuis longtemps ! Certainement tu ne peux pas me croire assez vindicative, assez peu chrétienne pour penser que je t’en veux encore depuis tout ce temps-là !

Ce fut moi qui restai honteuse et gênée en face de tant de céleste vertu.

Elle reprit un instant après :

— D’ailleurs, la Providence a tout arrangé pour le mieux. Il m’a été facile de voir, depuis que nous nous connaissons mieux, que Mark et moi n’étions pas faits pour vivre ensemble. Il est trop exigeant, trop autoritaire…

« Sir George est doux et facile, il a le caractère maniable, je crois qu’avec le temps j’arriverai à en faire ce que je voudrai.

— Oh ! je n’en doute pas, Dora ! avec autant de facilité que tu enroulais en parlant ton ruban bleu autour de ton doigt si menu !

— Trouves-tu qu’il ait l’air de m’aimer beaucoup ? me demanda-t-elle.

— Bien mieux : je trouve qu’il a l’air de t’adorer.

— Oui, c’est aussi mon avis, dit-elle languissamment.

— Et toi, l’aimes-tu ?

— Cela va de soi ! L’épouserais-je si je ne l’aimais pas ? Suis-je donc de ces personnes qui se vendent pour de l’argent ?

Sa voix était remplie d’une indignation aussi sincère que vertueuse.

— Non ! acheva-t-elle en me regardant droit dans les yeux, je n’épouserais pas un homme sans l’aimer, car je ne trouve rien d’aussi vil qu’un mariage d’argent !

Ces nobles sentiments m’étaient directement adressés, je le sentis bien, et comme, à mon avis, il eût été dangereux de pousser les choses plus loin, je répliquai d’une voix un peu faible :

— Ah ! que je suis donc heureuse pour toi !

Non, Dora ne m’a point pardonné !

— Je n’irai pas jusqu’à dire, reprit-elle de sa voix la plus suave, que je regrette que George soit si bien pourvu…

« Ce soir, en revenant, il me disait que son revenu était de quarante mille livres par an. C’est un peu