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PRÉFACE.

par les seules pratiques de la construction, sans aucune théorie des principes mathématiques de l’art ; et c’est là, sans doute, ce que Ptolémée a voulu dire au commencement de son préambule, quand il a dit qu’il se trouvoit souvent beaucoup d’habileté dans bien des gens qui n’ont aucune teinture de théorie. Car véritablement, on se faisoit des habitations longtemps avant que d’avoir connu les règles de l’architecture. Comme en tout la nécessité excite l’industrie, l’industrie a aussi créé les arts, parcequ’on a choisi les meilleurs procédés, on les a perfectionnés, on en a fait des méthodes théorétiques que l’on enseigna ensuite avant la pratique, et c’est ainsi qu’il est arrivé, dit Ptolémée, que la pratique est aujourd’hui précédée de la théorie[1]. Cette théorie cependant n’est pas d’une nécessité absolue dans les arts manuels, car ne voyons-nous pas subsister encore en entier et dans toute leur solidité, ces ponts, ces temples, ces châteaux du moyen âge, qui ont été élevés par des gens qui n’étoient rien moins que mathématiciens, au moins théoriquement ? Il n’en est pas de même de l’astronomie. Elle ne peut aller bien loin sans le secours des mathématiques. On a bien commencé par regarder le ciel, on y a distingué les astres, on y a remarqué des retours périodiques, mais sans la géométrie on en seroit resté là. Dans les arts mécaniques, la main de l’ouvrier supplée au défaut de la théorie. Mais dans l’astronomie on ne peut porter la main à rien de ce que l’on voit ; il faut que le calcul géométrique la remplace, et c’est par lui que l’astronome atteint jusqu’aux cieux. Ptolémée écrivant un traité qui est une application perpétuelle de la géométrie et du calcul aux phénomènes célestes, pour en déterminer les raisons et les causes, et parvenant heureusement par des moyens empruntés des mathématiques, à en expliquer les lois et les effets, a véritablement fait la composition mathématique du monde, et il en a donné le nom à cette construction géométrique. Son exemple a été suivi par ses successeurs. Si l’on a changé son plan, on a pourtant adopté sa manière et ses méthodes, quoique remplacées par de plus parfaites, ont été les modèles de celles qu’on leur a substituées. Ses tables de mouvement, sont la source de celles qu’on a dressées ensuite sur les mêmes fondemens et d’après des observations qui mieux faites ont donné des résultats plus justes[2]. N’allez pas croire pourtant que celles des anciens ne sont d’aucune valeur, Cassini vous diroit que les ancien savoient fait des observations, qui, quoiqu’imparfaites, ne laissent pas d’être très-précieuses, et fort utiles pour déterminer les mouvemens des planètes, par la comparaison de ces observations avec celles que nous avons faites avec beaucoup plus de précision. Celles que l’on fera dans la suite serviront de plus en plus à perfectionner l’astronomie, et l’on aura toujours beaucoup à y travailler ». « Il y a dans ces recherches, dit aussi l’auteur de l’Essai sur l’Histoire des Mathématiques, un progrès continuel de connoissances qui aux anciens ouvrages en fait succéder d’autres plus profonds et plus complets. On étudie les derniers, parcequ’ils représentent l’état actuel de la science mais ils auront à leur tour la même destinée que ceux dont ils ont pris la place. Il n’en est pas ainsi dans les arts qui dépendent de l’imagination. Le poète et l’orateur ont un autre avantage ; leurs noms répétés sans cesse par la

  1. Voy. ci-après, pag. 1.
  2. Préface des Élém. d’Astr..