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xv
PRÉFACE.

les uns font suivant celui de Ptolémée, les autres suivant ceux de Copernic et de Tycho, qui nonobstant cette différence s’accordent toutes avec le ciel[1] ». Nous lisons également dans le Voyage de le Gentil, que les Indiens calculent avec assez de précision les éclipses par des méthodes qui certainement ne sont pas fondées sur le vrai système de l’univers. Il n’est donc pas étonnant que Ptolémée partant d’une hypothèse fausse soit arrivé à des résultats vrais, parce qu’il avoit établi cette hypothèse sur les apparences qui comme apparences sont vraies en ce qu’elles nous paraissent, quoique fausses relativement à ce qu’elles nous cachent. Il est vrai, comme le dit l’auteur du même Essai, que « dès la première application qu’il fit de son système, le mouvement apparent des planètes par rapport à la terre présenta des difficultés que l’auteur ne put vaincre ou éluder que par de nouvelles hypothèses très-embarrassantes, et l’on conçoit qu’une telle complication de mouvemens et d’apparences réelles ou optiques, devoit former un chaos difficile à débrouiller ». Mais ces hypothèses étant fondées sur des propositions mathématiques, d’une vérité démontrée, les conséquences en étaient toujours justes, quelle que fût son opinion. Montucla reproche à Ptolémée d’avoir eu la témérité de croire qu’il avoit deviné le véritable arrangement de l’univers, tandis que ses hypothèses sont si éloignées de la simplicité qu’on voit à tout instant dans la nature. Bailly le lave de ce reproche en disant « qu’il a lui-même senti la complication et les défauts de ce système, et qu’il a cru devoir s’en excuser, puisqu’il pense qu’il est difficile d’expliquer ces phénomènes par des raisons vulgaires et sensibles, et d’appliquer à ces corps célestes ce que nous connaissons des mouvemens terrestres ».

Bailly n’a pas été aussi attentif à se garantir d’une autre prévention contre Ptolémée. C’est celle qui lui fait supposer que cet astronome attachoit les corps célestes à des sphères transparentes et mobiles les unes dans les autres. Bailly se permet à ce sujet une plaisanterie assez puérile lorsqu’il dit que les astronomes postérieurs ont brisé les cieux de verre de cet ancien. Montucla soutient avec raison que « jamais Ptolémée n’enseigna une physique si grossière. L’on ne voit rien de semblable dans ses ouvrages. L’idée ridicule de ces orbes n’est pas de lui, ajoute Lalande, ce sont les astronomes arabes et ceux des siècles de barbarie comme Sacrobosco et d’autres pareils physiciens grossiers et sans génie, qui ont transporté cette absurde physique dans le ciel ». Fréret remarque bien que les Chrétiens, les Juifs et les Mahométans avoient adopté l’opinion d’Aristote, que les sphères célestes étoient solides, et en avoient fait une espèce d’article de foi, quoiqu’elle fût absolument rejetée par Ptolémée. En effet, cet astronome, au chap. 12 du liv. XIII, dit expressément « que les astres nagent dans un fluide parfait qui n’oppose aucune résistance à leurs mouvemens[2] ». Ces termes de premier et de second mobile sont nés de la sphère d’Eudoxe de Cnide, avec laquelle les hypothèses de Ptolémée n’ont aucun rapport. Aussi ne présente-t-il pas ces orbes comme matériels et solides, ou comme des sphères auxquelles les astres soient cloués et fixés car il en auroit fallu autant que de cercles qu’il imaginoit ; et dès-lors comment les épicycles solides auroient-ils pu tourner sur les excentriques ou concentriques solides sans les traverser et les fracasser ? Assurément un aussi beau génie n’a pu tomber dans une

  1. Mém. sur la sphère, vol. 1 de l’Acad. des Inscript.
  2. Mém. de l’Acad. des Inscriptions, vol. 10.