Page:Ptolémée - Almagest, traduction Halma, 1813, tome1.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xiv
PRÉFACE.

nombreux écrits des savans qui en avoient enrichi l’astronomie. C’étoient les matériaux épars d’un édifice qui n’attendoit pour s’élever, que la main d’un architecte capable de les mettre en œuvre : cet architecte fut Ptolémée, ce fut lui qui reçut d’Hipparque en partage, « le ciel que ce grand homme, en mourant, avoit laissé à celui qui se trouveroit capable de lui succéder dans un tel héritage[1]. » Ptolémée le reçut, cet héritage, et fit pour l’astronomie ce qu’Euclide avoit fait pour la géométrie. « Cet ouvrage, dit l’auteur de l’Essai sur l’Histoire des Mathématiques, contient toutes les anciennes observations, toutes les anciennes théories, auxquelles joignant ses propres recherches, Ptolémée a formé de l’ensemble, la collection la plus complète qui ait paru sur l’ancienne astronomie, et qui peut même tenir lieu en ce genre, des écrits antérieurs ravagés par la main du temps ».

Son auteur l’a divisé en treize livres. Dans le premier, après un prologue que l’on seroit bien tenté d’attribuer à quelque moine grec du Bas-Empire, Ptolémée débute par le système qui a retenu son nom. « L’impossibilité qu’il croyoit voir, dit Montucla, à concilier le mouvement de la terre avec l’immobilité des poles, lui a fait rejetter le système contraire qui étoit celui d’Aristarque. Il le connoissoit bien cependant, comme on le voit par ses raisonnemens pour le réfuter. Il crut qu’il étoit plus simple de faire tourner le ciel et les astres autour de la terre, que de lancer la terre dans l’espace autour du soleil ». « À ne consulter que les apparences, lisons-nous dans l’Essai sur l’Histoire des Mathématiques, la terre occupe le centre du monde et tous les mouvemens qui s’opèrent dans le ciel, se font autour de nous. Le préjugé en faveur de l’immobilité de la terre, étoit trop enraciné, trop conforme au témoignage des sens pour céder facilement la place à une vérité que le génie devinoit plutôt qu’il ne pouvoit la prouver ou la faire comprendre à la multitude. Ptolémée embrassa l’opinion vulgaire. Il supposa qu’autour de la terre immobile tournoient en cet ordre de distances, en partant du centre, la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne ». Montucla avoit déjà dit « que plusieurs phénomènes semblent d’abord déposer en faveur de cet arrangement. Si la terre n’étoit pas au centre, on ne verroit pas toujours précisément la moitié du ciel ; de deux étoiles diamétralement opposées tantôt ni l’une ni l’autre ne paroîtroit, tantôt elle paroîtroient toutes deux, et les poles du monde ne seroient pas deux points immobiles. C’étoient des démonstrations assez pressantes de la stabilité de notre demeure. Ajoutons que l’antiquité manqua toujours des secours et des faits nombreux qui ont été si utiles aux modernes pour établir le vrai système de l’univers. Ces motifs excuseront facilement Ptolémée d’être resté si longtemps dans une erreur dont il étoit si difficile de se désabuser »[2].

Heureusement cette erreur ne peut avoir aucune influence sur les démonstrations des théorèmes établis dans son premier livre, ni même sur le calcul des phénomènes célestes. Car suivant la remarque de Renaudot : « On peut être très bon astronome quoique dans différens systèmes, et cela se voit tous les jours par les observations que

  1. Plin. Hist. Nat. liv. I, ch. 26.
  2. Hist. des Mathématiques.