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terres de soleil et de sommeil

verts. Pas un pli de terrain, pas un sommet, pas une vallée. Il m’en souvient… L’air est un cercle de clarté. La terre sommeille, il semble qu’à chaque pas on la réveille un peu, et, à chaque pas, l’on est un cœur qui s’éveille un peu. Les paysages ont des aspects finis, et c’est une volupté si incertaine et fugitive et infinie !…

Avant de quitter Carnot — dernier point où les lettres parviennent encore — j’ai reçu une carte d’un ami, chrétien fervent et mystique. Il me disait : « J’espère que de ces solitudes, tu nous reviendras croyant en Dieu. » J’ai pensé souvent à ce mot. Hélas ! non, cette Afrique n’est pas la patrie de Dieu. Cette Afrique est le propre triomphe de l’individu. Églises, doutes, croyances, fantômes lointains de la ville, comment vous aimer, quand on a connu cette clarté, quand on a pénétré dans ces portiques de clarté !…

Cette belle terre si simple et si noire, c’est une femme d’Orient, violente et paresseuse, avec des cerises dans la bouche. O bonheur dense et lumineux près d’elle ! Lebenskraft !