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terres de soleil et de sommeil

Un homme est à mes pieds près d’un feu solitaire. Je le reconnais : c’est Sama. Il ne chante pas et semble ne rien entendre, couché sur le côté, un coude sur la terre, ses yeux semblables à deux pierres dures perdues dans le vide. C’est un enfant, Sama. Comme sa pose est gracieuse et délicate ! Il est tout nu : son corps est mince, comme celui des Adonis antiques. Sa face me plaît infiniment ; il n’a pas le nez épaté et la lèvre lippue, selon l’idée que l’on se fait des noirs en France. Il a deux grands yeux énormes, toujours ouverts, presque immobiles. Je le regarde longtemps ; je voudrais épier tous ses gestes. C’est si peu, un « sauvage », et je suis si loin de lui ! Il est pour moi un mystère que jamais je ne déchiffrerai…

Il se soulève pour mettre quelques branches dans le feu. Sa figure, parfaitement ovale au-dessus de son cou trop long d’adolescent, s’illumine tout à coup à la flamme ranimée. Puis il se recouche, tandis que la chanson baya s’égrène dans la nuit, plus lente, plus lasse encore que tout à l’heure. Alors une grande