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terres de soleil et de sommeil

Parmi nos Bayas, quelques-uns étaient du village d’Ouannou, situé à quelques lieues de Carnot. Nous arrivions à Ouannou le 9 juin. C’est un tout petit bourg, quelques toits perdus dans la verdure et qui semblent des joujoux d’enfants délaissés. Un enclos en paille tressée recèle cinq ou six cases disposées en cercle autour d’une place de sable fin. C’est le « tata » du chef. La fortune de ce village, ce sont ses bananiers. Ils en font l’unique ornement. Mais la chair de leurs fruits, toujours fraîche, procure une sorte de bien-être capiteux dont aucune caresse ne saurait passer la douceur animale.

Dans le tata du chef, les hommes d’Ouannou retrouvaient leurs femmes, leurs mères, leurs enfants, leurs amis restés au foyer. Ce fut une minute d’intense émotion. J’eus le sentiment de quelque chose d’intime, de profond, d’inexprimable. Les hommes avaient les yeux humides de larmes : des femmes, à genoux sur le sol, baisaient ardemment les mains de leurs fils. Peu de paroles, mais quels gestes ardents et passionnés ! Un beau garçon passa ; il avait un