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terres de soleil et de sommeil

beaucoup de camarades. Moi, je ne sais pas être camarade avec les autres. Je suis mauvais, mauvais. Quand j’étais petit et que Gougourtha m’appelait, je me sauvais ; alors il m’attrapait et me donnait des gifles. Il est méchant, Gougourtha.

N’est-ce pas d’une émotion délicieuse, ce petit récit que je viens de traduire fidèlement, mais sans pouvoir rendre le charme particulier de cette langue baya, si souple, si nuancée, si chantante ?

Quand nos porteurs reconnurent le parfum de leur terre et la divine pâleur de leur ciel, leurs faces enfantines s’illuminèrent de tous les bonheurs retrouvés, de toutes les tendresses ressuscitées, et du souvenir des paresses antérieures. Les charmes du sol natal assiégèrent les âmes longtemps navrées, et le soir, autour de la flamme qui tentait le vol tournoyant de sphinxs monstrueux, pendant des heures, on chanta la litanie du retour, lente et monotone, ce thrène harmonieux qu’on ne saurait oublier quand on l’a entendu une seule fois.