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terres de soleil et de sommeil

de nos paysages de France. Nous les aimons solitaires, sans que rien de sordide en vienne troubler la paix heureuse. Parmi eux nous souhaitons qu’aucun pleur humain ne revienne abolir le sourire des choses. Mais ici, par une singulière transposition, nous désirons cela précisément que nous redoutions là-bas. Il nous plaît que la rudesse des aspects, la tragique solitude des routes se tempèrent d’humanité. C’est là, si l’on peut dire, le paradoxe de l’Afrique. Chez nous, les arbres, les ruisseaux, les vallons, les coteaux nous sont familiers et connus. Dans la plus parfaite solitude, nous savons nous entretenir avec eux, et notre âme attentive sait comprendre la chanson des bois et le murmure des eaux. Ici la brousse, farouche, pleine d’embûches, est hostile et se tait. Mais qu’au détour d’un sentier apparaisse un étincellement de sagaies, que, des hautes herbes, jaillissent un vol de torses nus avec des souplesses animales, que des cases, hors des euphorbes et des volubilis, s’érigent, qu’un homme coure devant nous, plutôt qu’il ne