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terres de soleil et de sommeil

un homme entre dans Teau ; les boucliers de paille tressée et les sagaies se dressent au-dessus des têtes.

Des traînards se jettent dans le fleuve en courant et s’efïorcent vers l’autre rive. Puis tout disparaît ; là-bas, les hommes se perdent dans les hautes herbes, et seul, dans l’écrasement total de midi, on se demande si l’on vient de faire un rêve, un rêve de beauté antique dans de la clarté.

Sans le vouloir et comme par surprise, ces gens arrivent donc à une sorte de beauté, à la beauté que fiévreusement, maladivement, nous recherchons depuis des siècles. Cependant nous sommes venus ici avec notre idéal, notre canon de perfection. La beauté, pour nous, est quelque chose de très spécial, de très défini, d’enserré dans des limites très nettes. C’est tout ce qui reflète l’idéal innombrable des hommes de notre race. C’est leur pensée, leur cœur, leur sang, éternisés dans un peu de matière. C’est la Grèce ; c’est Rome ; c’est la France chrétienne… Nous savons très bien ce que c’est