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terres de soleil et de sommeil

jours de bourdonnements ailés, et de murmures confus. Les matins y ont d’immenses frémissements ; les crépuscules chantent doucement à l’âme attentive.

Ici, le silence est énorme, total et, malgré qu’il interdise une certaine intimité que nous cherchions, il est bien le charme subtil et malfaisant de ce pays.

Il faut y prendre garde. Cette grande paix, sans un tressaillement de lumière, cette paix sans vie où nulle caresse ne vibre, où nulle aile ne palpite, où nul mouvement ne se décèle, empêchera l’effusion des cœurs et ce mysticisme, dont, peut-être, dans le secret de nous-mêmes, nous souhaitions être les victimes. Aucune pitié ne s’affirme vers nous. Aucune intention humaine. Désormais seules, nos consciences auront des égoïsmes renaissants et ressusciteront les orgueils d’autrefois ; nous ne saurons plus éprouver ce délicieux épanchement de l’être, cette panthéistique douceur qui est le charme de nos pays. On ne saurait imaginer une terre plus dépourvue de métaphysique que celle-ci.