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terres de soleil et de sommeil

furent nos derniers beaux jours d’Afrique, les derniers parmi la vie la plus simple et la plus primitive qui soit au monde. Dures et monotones heures, à glisser sur l’eau calme de la rivière, tout illuminée de soleil ! On longe les berges, encombrées de lianes, sans un murmure humain, sans un souffle animal. On n’entend que l’éternelle chanson des N’Goundis criant debout à l’arrière de la pirogue, leur éternel : « si gi ti yo, yo, yo… si gi ti yo, yo, yo… » qui scande le mouvement régulier des pagaies. On croit baigner dans un paradis dévasté où les pensées ne seraient plus que de claires et joyeuses fulgurations…

Couché pendant des heures, dans cette auge de bois où les mouvements trop brusques sont interdits, j’aurais pu dénombrer toutes les richesses de l’âme française et retirer quelque bien de ce travail. J’ai préféré, par une rêverie appropriée, me préparer à revoir les miens et j’ai laissé courir vers moi ce grand souffle de la patrie qui venait m’effleurer mystiquement.

Le 9 septembre, à dix heures du matin,