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terres de soleil et de sommeil

nuages violet sombre. Il semble que les choses n’osent bouger dans l’attente d’un désastre. Puis c’est le déluge, avec des tremblements formidables du ciel. Tout semble se déchirer et s’engloutir. Il fait noir. Les gouttes de pluie font un bruit aigu et dense.

Une heure après, c’est fini ; il fait soleil, et dehors les Foulbés gardiens de bœufs sont toujours à leur place, auprès de la rivière plus noire qui clapote avec un petit bruit triste…

Vers le soir, nous avons entendu des hippopotames souffler dans l’eau. Je me suis mis à genoux sur la berge avec mon fusil chargé. Chaque fois qu’une tête surgissait hors du miroir liquide, je tirais, m’amusant à un inutile massacre. Au bout d’une heure, cinq à six grosses masses noires flottaient sur la rivière, comme des outres abandonnées. Nos Bayas se jettent à l’eau. On les voit s’agiter comme des fourmis affairées. Ils roulent les monstres sur le sable du rivage. Les ventres blancs brillent au soleil : les pattes courtes semblent d’affreux moignons. Tout autour, les Bayas gesticulent