Page:Psichari - Terres de soleil et de sommeil (1917).djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée
184
terres de soleil et de sommeil

rouges de tirailleurs, des femmes portant sur leur tête des amoncellements de calebasses, l’inévitable cohue des départs de marche. Ainsi l’on repartait pour la bonne vie nomade de la brousse : deux mois, sans doute, sur les chemins, avant d’atteindre Carnot, notre première étape. Et l’on tentait encore la grande aventure des routes… Le soleil, pourtant très bas, étincelait déjà ; c’était un matin de victoire.

Je galopai jusqu’en tête de la colonne. Les bœufs marchaient lentement, sans faire de bruit. On entendait seulement la voix du chef bouvier, le vieux Djani, qui poussait son petit cri d’appel, très doux et un peu las. En me retournant, je vis encore le drapeau français qui flottait tout près de l’horizon…

C’est un grand bien de quitter un endroit de bonheur ; on se sent l’âme plus riche de toutes les heures écoulées, et seuls les cœurs lâches et mous regrettent ou s’attristent. En jetant un dernier regard du côté