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terres de soleil et de sommeil

sur des fonds de toiles d’emballage. Et certains détails du lointain, un arbre tordu au bord du Logone, un barrage de pêcheurs, tout à l’heure noyés dans l’absolu rayonnement du soleil, se précisent et prennent leur place. On est victime de tant de violence, mêlée à tant de douceur ; on est prisonnier, embouteillé, dirait-on, dans ce liquide lumineux qui stagne tout autour de nous.

Vers le Logone, l’oppression devient douloureuse. Rien ne dort au village, et les cases veillent au bord de l’eau, pleines de chuchotements, de murmures confus et de musiques basses. Au loin, des gens frappent sur des tambours qui font un bruit fou et continu. Tout à coup j’aperçois, dans le fleuve, des hommes, immobiles, le torse nu hors de l’eau. Sont-ils déments à regarder ainsi, sans gestes, l’astre clair, insouciants de l’eau qui fait deux ou trois cercles autour de leur ventre, ou est-ce un rêve de démence ?

Pourtant, résigné, je m’étends sur les nattes, les yeux ouverts. Quel beau lointain c’était