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terres de soleil et de sommeil

besace qui leur pend au côté… Ils s’arrêtent et se hâtent sans bruit à décharger les bœufs, puis tout disparaît on ne sait où. Vers le fleuve teinté de mille lueurs paradoxales, les crapauds commencent à chanter… Hâtons-nous de jouir de l’heure exquise.

Car une autre angoisse nous attend qui nous tiendra éveillés toute la nuit. Une puissance aussi inéluctable que celle du soleil va nous dominer : la lune, divine en France, ici, brutale et magnétique. O ces nuits de pleine lune, insomnes, nerveuses, où des forces occultes nous font nous retourner sans trêve sur les draps humides de la sueur des cauchemars, où les rêves oppressés s’accumulent en cohortes victorieuses ! Toute chose reste éveillée et s’inquiète. Le rayon blanc, même à travers les murs, nous fiche là, sur les nattes de repos, et nous transperce jusqu’au traumatisme le plus aigu. Je me lève et je marche. Dehors, tout est illuminé ; on dirait des milliers de lampes à arc, là-haut, dans le ciel jaune. Des formes noires font des découpures violentes