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terres de soleil et de sommeil

roulant de gros yeux. Le gravier fait un petit bruit clair dans l’immobile silence. C’est de la paix et du repos.

Mais à côté, quelle misère et quel abandon ! Quand nous évoquons par ici les villages souriants de la Sangha, cachés comme des fleurs voluptueuses aux pentes verdoyantes des coteaux, Bobikondo, Berbérati, Saragouna, Ouannou, tous aimés comme des patries éphémères, nous éprouvons de la tristesse et de l’étonnement. Ici, dès qu’on entre dans le fouillis compact des cases qui se serrent jusqu’à l’étouffement contre la berge haute du fleuve, on respire la mort et la pourriture.

Les hommes — des géants au front bas, aux membres courts d’athlètes — se sont bâti des cases minuscules où ils n’entrent qu’en se pliant en deux. La case est généralement précédée d’une courette, encombrée de calebasses, de marmites brisées et de poissons putréfiés, jetés là.

Car le soleil n’est plus ici le dieu bienfaisant qui fait mûrir nos grappes et fleurir nos jardins.