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terres de soleil et de sommeil

scandant le rythme monotone de la chanson basse…

Que je l’aime, ce tableau biblique et suranné : les pasteurs minces et droits sous leurs lins effiloqués qui pendent jusqu’aux genoux, les calebasses portées sur l’épaule au bout d’un bâton noueux, et ce geste d’appel de la main gauche tendue, et derrière, les grands bœufs à bosses, silencieux et calmes, attentifs à la voix qui les mène et si accoutumés qu’ils obéissent à leur nom clamé parfois au milieu de la complainte foulbé. Car nul, mieux que ces nomades à la peau presque blanche, à l’éternel sourire sceptique et renseigné, ne connaît la vie intime des bêtes et ne l’aime avec plus de tendresse et plus de science. Tableau de vie errante et primitive qui nous figure toujours quelque « fuite en Égypte », tableau serein qui s’adapte merveilleusement à la sérénité des choses, tout proche de l’heureuse éternité de ces clairs rivages et de cette terre brûlée.