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terres de soleil et de sommeil

la perception plus immédiate, la sensation plus animale, et, par suite, aidaient à nous faire descendre jusqu’au plus profond de nous-même, sans nul effort et comme par jeu…

Le sentier longe constamment la rive droite du fleuve. Le Logone, ici très large, s’écoule paisiblement dans son lit, encombré en cette saison de bancs de sable infiniment dorés sous la lumière — déjà ardente — du jour naissant. On dirait une grande route abandonnée, tracée toute droite comme une voie romaine, une grande route aux mystérieuses destinées. Le Logone, c’est le point de repère et le centre logique de ce pays. Il donne aux lignes leur architecture, il crée leur parfaite et définitive harmonie. Là est la raison secrète de son charme voluptueux. Ici, rien d’inutile, rien qui retienne l’attention, qui détourne le regard. Et pourtant, quelle stérilité ! Tout nous importe dans cette monotonie qui ne lasse pas, et chaque objet, jusqu’au plus humble, nous aide à mieux aimer l’unique noblesse du fleuve, et l’élégance de ses rivages silencieux ;