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terres de soleil et de sommeil

excès, permettent ici de mieux écouter la pulsation de la vie. L’attention à la vie portée à son point le plus aigu, voilà la leçon nouvelle que nous donne Binder. Toutes les heures que j’y passai furent tellement tendues, tellement teintées d’éternité, qu’elles m’apparaissent maintenant comme en dehors de mon existence, sans rapport avec les heures qui furent avant et après. Tous les symboles que j’avais appris autrefois, toutes les intellectualités qui me possédaient, s’évanouirent. Je fus entraîné par un immense fleuve de poésie intense et lumineuse.

Le passé même, le grand passé d’isiam, c’était une sensation animale de passé ; non pas un repère historique (comme on l’aurait à Florence, ou à Rome), mais un moyen naturel de me baigner dans la réalité mouvante du présent. Pendant quatre jours, je fus plongé dans un abîme de félicité. Je crois avoir connu la plénitude du bonheur pour avoir suivi avec amour d’humbles gestes humains, loin de mon temps et de mon pays. La grande paix de la