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terres de soleil et de sommeil

une ferveur sombre qui vous emplit tout entier. On épie la brisure d’une ligne, la couleur d’un lointain, un parfum nouveau qui circule, et l’on voudrait éterniser les mille sensations indistinctes qui sont comme notre éphémère conversation avec les choses. On est en rapport direct avec la terre ; rien ne s’interpose plus entre les hommes et elle. Sentiment d’une primitivité absolue, inconnue partout ailleurs qu’en Afrique… C’est une conversation brutale, et pourtant il en reste en nous quelque chose d’indicible, d’incomparablement triste et sauvage.

Je voulais rentrer à Binder le soir même, je n’avais point de bagages. Mais le soleil était déjà près de l’horizon, et je courais encore après les montagnes bleues que je voyais depuis le matin, vers le Nord-Ouest. Elles grandissaient pourtant et figuraient de grandes masses sombres, sans replis, comme de grandes coulées de laves liquides.

La nuit était presque noire quand j’arrivai avec mon compagnon dans une plaine calcinée,