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terres de soleil et de sommeil

de respect et d’amour. A mes pieds, l’herbe est grise ; elle a la couleur de la terre : tout a la couleur de la terre. Je me sens chez moi, comme, sur mes rochers de Bréhat, je contemple la mer familière qui est un peu mienne.

Voici la terre d’Afrique. Ceci, c’est l’Afrique. Elle est toute là, et aucun mot de ma langue ne peut la dire. Un souffle descend du ciel, chaud et voluptueux, plein de senteurs imprécises… Ce n’est pas le printemps, ni l’automne, ni l’hiver, ni l’été. C’est l’immortelle saison de l’Afrique qui me parle un langage nouveau et délicieux.

Lentement, un long troupeau de bœufs va vers la ville. Le petit Foulbé qui le mène porte une braie courte qui laisse nus ses bras et ses jambes. J’admire son air sérieux, et comme ses grands yeux noirs sont graves, tout grands ouverts, avec du feu dedans, des yeux d’enfant qui semblent avoir tout vu et tout savoir. C’est un pâtre, mais si peu pastoral ! Ni flûte, ni pipeaux, ni chanson… Il ne chante pas… Les grands bœufs bossus marchent tout seuls, d’un