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terres de soleil et de sommeil

Il m’a paru très doux, plein d’ennui et un peu bête. Un peu animal. Et avec de la race, la finesse des hommes de son sang. Mais semblable aux autres, point supérieur, ni inférieur, un homme qui a simplement un peu plus de bœufs que les autres, un peu plus de femmes, un peu plus de cases… Très vite, l’ombre s’est faite totale. Il ne reste plus que là-bas une traînée sanglante à l’occident. Que j’aime ces couchers de soleil du pays de Binder, point solennels, sans aucun tralala, si vite faits qu’on n’a pas le temps de chercher le soleil pour l’accompagner d’un dernier regard !

Sans solennité, de même que rien ici n’a de solennité. Comme tout à l’heure, la place est vide. Seul un Foulbé, sous le grand tamarinier de la mosquée, égrène son chapelet, tandis que dans l’intérieur s’élève la voix surnaturelle du marabout… « Allah in Allah ! ». La grande vision de la vie s’est évanouie, et c’est comme avant, comme après…

Je suis descendu vers le mayo[1]. Il longe la

  1. Mayo, rivière. C’est le mayo Binder (rivière de Binder).