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terres de soleil et de sommeil

leur y donne la nostalgie de leur Sangha, de ses forets humides et profondes, de ses douces vallées, de ses champs de manioc et de ses bananiers. L’air trop sec leur brûle les poumons, et les fatigues de la route, la nourriture qui leur est contraire achèvent de les incliner vers la mort où ils entrent sans rien dire, comme des victimes désignées. A creuser des trous dans la terre, au long des routes, à voir des yeux se convulser et des mains se tordre dans les agonies, on devient dur et l’on s’accoutume à regarder en face l’aveugle destin, sans haine, sans colère et sans chagrin. Pourtant j’éprouvai un serrement de cœur à penser que celui-là partirait sans que je l’aie connu, sans que j’aie compris le silencieux mystère de sa vie. Je savais qu’il serait enterré dans un endroit perdu où rien ne mentionnerait sa place d’éternel repos, et je savais aussi que dans mon cœur non plus, il n’aurait pas de pierre tombale, le petit ami si tôt passé, comme une ombre légère et fantômale. Et une tendresse m’emplissait l’âme à cette pensée dont j’avais