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terres de soleil et de sommeil

vis arriver à notre camp, marchant plus vite que de coutume, les yeux fixés droit devant lui. Quand il fut devant moi, il tomba sur le sol comme une masse, sans dire un mot ; il avait une sagaie plantée dans l’omoplate, le bois de la lance cassé presque à hauteur du fer. Tous nos Bayas s’étaient rapprochés et contemplaient le malheureux, muets d’épouvante et n’osant pas tirer le fer de la blessure. Alors j’appelai Sama qui était du même village que lui et tous deux nous faisions l’extraction de la sagaie, tandis que le blessé poussait des cris horribles.

Quand la blessure fut lavée et pansée, Sama médit, avec une voix farouche qui me surprit :

— Moi partir avec les hommes pour moi (les hommes de mon village), moi tuer les sauvages.

Je ne le croyais pas très guerrier, le petit Sama ; et pourtant j’eus alors le sentiment que, si je l’avais laissé partir, il se serait battu comme un désespéré contre ces grands diables, pour la plupart deux fois hauts comme lui, et beaucoup mieux armés.