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terres de soleil et de sommeil

terre était noire comme de la lave et, de loin en loin, un petit arbre tordait vers le ciel ses bras décharnés. Nous marchions avec cette unique pensée de trouver un point d’eau, ne fut-ce qu’une mare stagnante, pour y étancher notre soif. Mais le pays était desséché, rongé par le feu des hommes comme par le feu du ciel, qui descendait tout droit des profondeurs infinies de l’espace immuablement pur et radieux. On marcha longtemps sur la terre maudite, sans rien dire, et c’était une fuite tragique, tous ces hommes qui se hâtaient, en gémissant tout bas, parmi les choses hostiles et mauvaises. Je sentis mes jambes s’amollir et une sueur glaciale m’inonder subitement.

Alors des images délicieuses passèrent devant mes yeux hallucinés. C’était une chambre baignée dans la lumière douce d’une lampe qu’abritait un grand abat-jour. La fenêtre était ouverte sur le printemps. Dans un fauteuil, la mère causait avec son enfant. Et j’entendais un son de cloches qui s’égrenait dans le tiède crépuscule. C’était net et précis, précis à en pleurer.