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pira profondément. Il se sentait libre, plus léger, plus hardi, et, bien qu’il n’eût que trente ans, plus jeune. Tout cela était à lui, ces hommes, ces animaux, ces bagages, cette terre même qu’il foulait en royal enfant gâté, impatient de tout avoir et de tout oser. La France lui avait donné, à lui, humble lieutenant des armées de la République, cette immense contrée comme un parc où il pût s’ébattre et bondir, aller et venir, selon son caprice et comme au hasard de son bon plaisir.

Mais lui, il n’avait envers sa patrie aucune reconnaissance. Et au contraire il se sentait délivré d’elle, et il la haïssait vraiment, n’en ayant connu jusqu’à ce jour que les désordres et la misère. Que ne haïssait-il pas ? Rien n’avait préparé ce cœur à l’amour et tout au contraire, son mal profond, ses amertumes, ses tourments, l’inclinaient à la haine. Ainsi nul souvenir de noblesse ou de douceur ne le