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Comme elles ont vite passé, ces belles années d’apprentissage, depuis ces luttes juvéniles avec le père Vincent ! À quoi bon ? L’Afrique lui a appris à se taire. Son apprentissage, ç’a été l’apprentissage du silence. Il ne peut plus que prier son dieu, à voix très basse, dans la grande solitude du cœur.

Décidément, il n’épousera pas Claire Monestier. Il ne peut tout de même pas entrer à cloche-pied à la mairie et à l’église.

— Je t’assure… Je suis plus vieux que mon âge… C’est difficile… Je ferais un triste compagnon.

Il ira à son bureau, tous les jours, deux heures le matin, deux heures le soir. Mais décidément, il n’épousera pas cette jolie fille.

Et Nangès ? Celui-là, c’est un autre blessé, mais, plus, vieux, il guérira. Ses privations d’Afrique, les fatigues, les privations morales, les spirituelles, celles de pain et celles de livres, celles de vin et d’affection, il les aimait. Jamais elles n’eussent altéré sa santé de vieux soldat, ni détruit l’égalité parfaite de son humeur. Mais en France, il voyait des laideurs qu’il ne pouvait plus supporter.

Il ne souhaitait plus que de repartir. Cha-